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Droit du travail : L’atteinte aux droits de la défense est une condition déterminante à l’annulation d’une sanction
Jocelyne CLERC et Catherine HARNAY, Avocates en droit social au Cabinet ADER JOLIBOIS donnent leur éclairage sur deux arrêts importants de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 20 mars 2024 (n°22-17.292 et 22-17.293). Leur interprétation des décisions renforce l’importance des garanties procédurales en droit du travail et souligne la valeur de l’expertise juridique dans la navigation des complexités du droit social.
Le cas des pilotes d’Air France : un contexte éclairant
Les arrêts concernent la contestation par deux pilotes de ligne d’Air France de leur mise à pied disciplinaire.
Deux salariés, pilotes de ligne, ont en effet saisi la juridiction prud’homale en annulation de leur mise à pied disciplinaire au motif que la procédure prévue par le règlement intérieur de leur employeur, Air France, pour ce type de sanction, à savoir notamment la consultation des représentants du personnel préalablement à l’entretien, n’a pas été respectée.
Ils obtiennent gain de cause devant la cour d’appel qui estime qu’il n’y a pas eu de consultation dans la mesure où l’employeur a sollicité les représentants du personnel trop tardivement pour leur permettre de prendre connaissance des faits, de consulter les personnes et documents utiles, de construire un avis commun et de le rédiger. Pour les juges du fond, cette consultation constitue une garantie de fond car elle permet aux représentants du personnel de se prononcer à un moment capital de la procédure sur l’existence de la faute, sa nature, son degré de gravité et sur la sanction appropriée. Ils en concluent que son inobservation entraîne l’annulation des sanctions.
Il y a donc une victoire pour ces salariés en Cour d’Appel, mais l’employeur, Air France, a formé un pourvoi en cassation.
La garantie de fond en droit social et la question posée à la Cour de cassation
En matière disciplinaire, le règlement intérieur ou une convention collective/un accord d’entreprise peuvent prévoir des garanties supplémentaires à la loi :
- une procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou par le règlement intérieur de l’entreprise ajoutant au droit disciplinaire prévu par la loi pour renforcer les droits de la défense du salarié constitue une garantie de fond (Cass. soc. 8-9-2021 n° 19-15.039).
- l’irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur est assimilée à la violation d’une garantie de fond et rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu’elle a privé le salarié de droits de sa défense ou lorsqu’elle est susceptible d’avoir exercé, en l’espèce, une influence sur la décision finale de licenciement par l’employeur. (Cass. soc., 13 sept. 2023, nº 21-25.830).
L’irrégularité d’une procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou par le règlement intérieur correspond-elle à la violation d’une garantie de fond entraînant automatiquement l’annulation d’une sanction ?
La réponse de la Cour de cassation
La Cour de cassation juge que la consultation d’un organisme chargé, en application d’une disposition conventionnelle ou d’un règlement intérieur, de donner son avis sur une sanction envisagée par un employeur constitue effectivement une garantie de fond. Aucune sanction ne peut donc être prononcée sans que cet organisme ait été consulté.
Elle précise toutefois que, pour être considérée comme la violation d’une garantie de fond entraînant l’annulation de la sanction, l’irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire, prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur, doit avoir privé le salarié de droits de sa défense ou être susceptible d’avoir exercé une influence sur la décision finale de l’employeur.
En l’espèce, la cour d’appel ne pouvait donc pas se contenter de constater l’irrégularité pour prononcer la nullité des mises à pied. Elle aurait dû rechercher si celle-ci avait eu un impact sur les droits à la défense des salariés ou sur la décision de l’employeur.
La Cour de cassation confirme donc la position de la jurisprudence qui avait déjà statué en ce sens dans le cadre d’un licenciement. (Cass. soc., 13 sept. 2023, nº 21-25.830). Elle réitère l’importance de respecter les procédures établies et mesurer ce que représentent les droits de la défense dans les relations de travail.
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