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Droit du travail : Exprimer son désaccord sur les directives de son supérieur hiérarchique peut relever du droit d'expression
Pour la Cour de cassation, sauf abus, les opinions que le salarié émet dans l’exercice du droit d’expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement.
Les faits et la procédure :
Le licenciement concernait le salarié d’une société qui au cours d’une réunion d’« expression des salariés loi Auroux » s’était exprimé sur l’organisation de son travail mise en place par sa supérieure hiérarchique et la surcharge de travail en découlant.
Il alertait ainsi son auditoire sur « la façon dont sa supérieure hiérarchique lui demandait d’effectuer son travail, qui allait à l’encontre du bon sens et surtout lui faisait perdre beaucoup de temps et d’énergie, ce qui entraînait un retard dans ses autres tâches et celles du service comptabilité fournisseurs pour le règlement des factures ».
Cette prise de parole conduisait à son licenciement pour faute simple. Le salarié contestait son licenciement sur le fondement du droit d’expression directe et collective reconnu par le code du travail.
La cour d’appel a jugé que le licenciement du salarié était justifié. Pour la cour d’appel, lors de cette réunion d’expression collective, le salarié avait, en présence de la direction et de plusieurs salariés de l’entreprise, remis en cause les directives qui lui étaient données par sa supérieure hiérarchique, tentant d’imposer au directeur général un désaveu public de cette dernière. Les juges du fond ont retenu que le médecin du travail avait constaté, deux jours plus tard, l’altération de l’état de santé de la supérieure hiérarchique et en ont déduit que ce comportement s’analysait en un acte d’insubordination et une attitude de dénigrement.
Droit d’expression et code du travail
Le droit d’expression est prévu par le code du travail et se distingue ainsi de la liberté d’expression du salarié, qui peut s’exercer de manière individuelle dans l’entreprise, mais également à l’extérieur de celle-ci.
Le droit d’expression est encadré par le code du travail, alors que la liberté d’expression repose sur un fondement constitutionnel.
Plusieurs articles du code du travail régissent le droit d’expression.
Selon les articles L. 2281-1 et L. 2281-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail. Sauf abus, les opinions que le salarié émet dans l’exercice de ce droit, ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement.
Ce droit s’exerce de façon directe et collective dans le cadre de réunions organisées sur les lieux et pendant le temps de travail. Il s’agit de faire en sorte que chacun puisse s’exprimer, non pas dans un rapport individuel salarié-hiérarchie, mais en tant que membre d’une collectivité de travail (Circ. DRT 3 du 4-3-2006).
Les modalités d’exercice du droit d’expression sont définies dans le cadre de la négociation portant sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie et des conditions de travail prévues à l’article L 2242-1 du Code du travail (C. trav. art. L 2281-5 s.).
Droit d’expression et jurisprudence
Alors que la question de l’abus par le salarié de sa liberté d’expression alimente un contentieux important, peu de décisions de justice précisent les limites du droit d’expression. Celui-ci doit pourtant, comme tout droit, être exercé sans abus.
Les principales questions posées à la Cour de cassation
Les propos reprochés au salarié constituaient-ils une faute du salarié dans l’exécution de son contrat de travail ?
Le droit d’expression reconnu par le code du travail peut-il conduire à un licenciement lorsqu’il ne dégénère pas en abus ?
Focus sur l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 21 septembre 2022
La Cour de cassation considère qu’un salarié peut s’exprimer au cours de réunions organisées dans l’entreprise y compris sur l’organisation de travail mise en place par son responsable hiérarchique dès lors qu’il n’y a pas d’abus
Le salarié peut légitimement donner son opinion sur l’organisation du travail décidée par son supérieur hiérarchique et la charge de travail en découlant au cours d’une réunion avec la direction et des salariés de l’entreprise. Il exerce ainsi son droit d’expression directe et collective, et ne peut être sanctionné pour cette raison.
Dans cette espèce, aucun abus n’avait été relevé. Les propos tenus par ce salarié lors de cette réunion avaient été mesurés et appropriés. Ce salarié avait fait part de son désaccord sur la façon dont son supérieur hiérarchique lui demandait d’effectuer son travail dans des termes modérés et en continuant à se conformer à ses directives.
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