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Amiante : réparation du préjudice d’anxiété et sous-traitance
Un salarié exposé à l’amiante peut-il demander réparation d’un préjudice d’anxiété à une entreprise utilisatrice au sein de laquelle il a travaillé, alors même que cette entreprise n’était pas son employeur ?
Les faits
Pendant plusieurs dizaines d’années, des salariés ont travaillé pour le compte de différents employeurs sur divers sites d’une entreprise ferroviaire, en exécution d’un marché de sous-traitance.
Lorsque cette entreprise a mis fin au marché de sous-traitance, la médecine du travail a remis à ces salariés une attestation d’exposition à l’amiante.
Les salariés, exposés à l’amiante sur leurs lieux de travail, ont demandé des dommages-intérêts en réparation de leur « préjudice d’anxiété. »
Les salariés ont demandé réparation à leur employeur, mais aussi à l’entreprise ferroviaire en sa qualité d’« entreprise utilisatrice » qui a eu recours aux travailleurs d’une entreprise extérieure pour réaliser une opération dans l’un de ses établissements
La cour d’appel a condamné l’entreprise utilisatrice à indemniser ce préjudice. Cette dernière a formé un pourvoi en cassation.
Le préjudice d’anxiété
Une personne qui a été exposée à une substance toxique peut éprouver un sentiment d’inquiétude permanente généré par le risque de déclarer à tout moment une maladie liée à l’exposition à une telle substance. Le fait d’éprouver ce sentiment lui cause un préjudice moral appelé « préjudice d’anxiété. »
Ce préjudice peut résulter d’un manquement par l’employeur à son obligation de sécurité, c’est-à-dire de prévention des risques professionnels.
La Cour de cassation reconnaît que les salariés peuvent obtenir de leur employeur la réparation de ce préjudice dans le cas d’une exposition à l’amiante ou à toute autre substance toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave.
La Cour de cassation élargit le domaine de réparation du préjudice d’anxiété et le champ de protection des travailleurs
La Cour de cassation approuve la décision de la cour d’appel de condamner l’entreprise utilisatrice à indemniser le préjudice d’anxiété subi par les employés de la société sous-traitante (Cass.soc 8 février 2023 n°20-23.312).
En effet, si, en principe, c’est l’employeur qui est responsable de la sécurité de ses salariés et doit s’assurer que des mesures de prévention des risques ont été mises en place, le code du travail, sous l’influence du droit européen, impose également des obligations aux entreprises utilisatrices.
Celles-ci doivent :
- assurer la coordination générale de leurs propres mesures de prévention avec celles qu’a mis en place l’entreprise extérieure qui intervient dans leurs établissements ;
- établir elles-mêmes un plan de prévention lorsqu’une opération présente des risques particuliers.
Dans cette affaire, l’entreprise utilisatrice n’a pas respecté son obligation générale de coordination des mesures de prévention. Or, cette négligence est bien à l’origine du préjudice subi par les salariés de l’entreprise sous-traitante. Cette obligation générale existait indépendamment de l’obligation de sécurité qui pesait sur l’employeur de ces salariés.
Cette décision est de nature à assurer la protection des travailleurs intervenant sous des statuts divers dans les locaux d’entreprises utilisatrices. Seules celles-ci connaissent l’historique industriel de leur propre site et la présence éventuelle de substances dangereuses.
L’entreprise utilisatrice qui n’est pas l’employeur de l’intérimaire peut désormais être condamné au titre du préjudice d’anxiété dès lors que le salarié est exposé à l’amiante.
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